Adieu Michel et merci !

rocardCe 2 juillet, deux hommes nous ont quitté : Élie Wiesel et Michel Rocard. Le premier a bercé mes lectures d’adolescent. Quant au second dont il sera question dans ce billet, il m’a fait franchir le pas de l’engagement politique au moment où je me forgeais une conscience politique. Michel Rocard , c’était une certaine conception de la politique. Pour beaucoup d’entre nous, il a été un modèle qui a donné du sens à notre engagement politique. Si, dans les hommages qui ont suivi le décès de Michel Rocard, il y a une certaine unanimité, il n’en a pas toujours été ainsi. Preuve s’il en est de son refus du compromis et de son habitude de préférer l’idéologie à la stratégie.

Je n’oublierai jamais ce jour de 1994, où j’ai rencontré  cette figure du monde politique à la fédération du Rhône où trônait à l’entrée un portrait géant de François Mitterrand. Cet européen convaincu menait cette année-là la liste socialiste aux élections européennes. Puis, dans la soirée qui suivit, au meeting de Villeurbanne, j’étais avec d’autres jeunes socialistes sur la tribune derrière Michel Rocard. Une soirée inoubliable. Puis a suivi des moments plus incertains. Le premier secrétaire, qui avait mis son poste de premier secrétaire dans la balance en cas de défaite aux Européennes, subit la loi du missile « Tapie » lancé depuis l’Elysée. Sans surprise, le P.S. réalise un score médiocre et Rocard est mis en minorité et est contraint de quitter son poste. Une preuve s’il en était besoin que Michel Rocard a souvent eu raison idéologiquement mais a souvent eu tort stratégiquement.

Michel Rocard n’a jamais fait de compromis dans sa carrière politique. C’est peut-être pour ça – et la présence de François Mitterrand – qu’il n’a jamais accédé à la magistrature suprême. Si la IVème république a raté Pierre Mendès-France, la Vème a probablement raté Michel Rocard.

La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part.

Michel Rocard, c’était le Parler Vrai. Il n’hésita pas, à l’heure où la position du Parti Socialiste relevait de l’angélisme internationaliste, à avoir une position plus nuancée sur la question. « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part. ». Par ignorance ou par malhonnêteté intellectuelle, cette phrase amputée de sa deuxième partie était retournée comme argument à chaque intervenant socialiste à chaque débat sur l’immigration. Il parla aussi de service minimum dans le service public à une époque où la Gauche ne voulait pas en entendre parler.

Sur l’Europe aussi, il fit entendre sa voie discordante en se félicitant du Brexit, une position iconoclaste à Gauche. Sur le temps de travail, il fut l’un des premiers à penser qu’il fallait « Travailler moins pour travailler tous et mieux » même si faisait montre de certaines divergences sur la méthode employée par Martine Aubry et Lionel Jospin.

Sa parole, si précieuse lors de son vivant, nous manquera. Adieu Michel et merci !